Dossi, la sole, fait mes rideaux

Je sors lentement d'un état d'impuissance. Il m'arrive de sortir dans la rue. Je ne travaille plus depuis 1 mois. Arrêt maladie.

Le soleil manque à ma peau, j'aime marcher à nouveau. il me faudrait des heures de calme, encore.

Ma mère habite avec moi maintenant. Elle est restée à mon chevet à chaque crise d'angoisse.

J’entre en déprime. Tout me paraît fade. Les enfants de Lina ne me font plus rire. Les caresses de Tommy me laissent froide. Au boulot, je fais de l’automatique : sourire, ranger, écrire … Il n’y a que dormir, ou regarder le ciel pendant des heures. Envie de rien, parer à l’essentiel. Conscience et émotions en veilleuse. Il me semble avoir un poids immense dans la tête.

Le temps passe. Je travaille depuis bientôt deux mois au siège social d'une grande banque. Il a fallu que j'apprenne à sourire et à m'habiller. Lina se moque de moi quand je viens chez elle avant de m'être changée.

Ali habite avec eux depuis 15 jours. Les enfants l'aiment bien.

J'ai rencontré Tommy au boulot. Deux ou trois fois nous avons pris un pot. Un soir, en sortant du bureau, il m'a embrassé. Je ne voulais pas en rester là et l'ai emmené chez moi. J'avais tellement envie de lui que nous n'avons pas dormi de la nuit. Sa peau très blanche a un goût de vanille. Il aime que je lui lèche le sexe longtemps. Il sait aussi divinement sucer mes seins et faire gonfler mon clitoris. Nous parlons peu. Je ne veux pas souffrir comme j'ai souffert avec nathan.

Maman voit l'hiver arriver tristement. Même si la température se fait clémente, les jours raccourcissent nettement. Elle écrit de plus en plus. Des lettres, des nouvelles, des instants de sa vie. Un peu comme mon grand-père triait les photos, elle trie ses souvenirs et les traduit. En la lisant je me rends compte que je la connais peu.

Lina voit Ali, souvent. Souvent je garde les enfants. J’aime le visage de ma sœur quand elle rentre de ses nuits avec lui. Fatigué mais tellement heureux.

Je ne reverrai plus Nathan. A mon retour de vacances, Il m’a écrit de ne plus le contacter. Je n’en sais pas davantage et ne suis pas du genre à insister. J’ai pourtant pleuré des heures depuis cette lettre. Je lis, je lis, je lis. Shan Sa, Haruki Murakami, Hubert Selby Jr.

J’ai passé, vendredi, un entretien d’embauche pour être secrétaire dans une grosse boîte. J’aurai la réponse lundi. Peut-être l’occasion de quitter l’arrière-cour et d’ajouter quelques euros à mon salaire.

Demain, je pars en vacances 15 jours avec Lina et les enfants. Sans Nathan, sans boulot, sans bar à musique ni micro. Ma valise sera pleine de livres.

Lina et Ali se sont rencontrés. Les yeux d'Ali dévoraient. Ceux de ma soeur fuyaient. C'est très bon signe.

J'ai retrouvé la tendresse. Mes mains se tendent instinctivement autour de son cou. Petit à petit je manifeste à Nathan une douceur extrême qu'il ne refuse pas. Il parle, il parle sans cesse pendant que je suis contre lui. Il stoppe seulement quand nous faisons l'amour. Tandis que les mots sortent de sa bouche, je touche ses lèvres, son nez, son ventre, son sexe, ses poil roux et blancs, ses poignets fins, le petit creux se trouvant au milieu de sa poitrine. Enfant, il souffert de rachitisme.

Demain, je sors avec Lina et Ali. J'ai très envie que ces deux là se rencontrent. Ils n'ont rien contre.

Les rues françaises klaxonnent la victoire d'un noir, d'un blanc et d'un arabe.

Nathan est revenu entre mes doigts, entre mes lèvres, en moi. Je suis sortie tôt pour sa peau. Il était fatigué du boulot, pourtant, en égoïste, je l'ai mangé 2 heures durant. "Ma mante" m'appelle-t-il. Il dormait quand je suis partie. J'ai déposé un long baiser sur son front mat.

Me voilà pleine de lui, radieuse. Lina m'attend. Nous allons manger une pizza ensemble puis regarder un film de Jarmush. J'ai hâte de serrer les enfants contre moi. Faim de vivre.

Dans la journée, j'ouvre des colis et j'en fais d'autres. J'enregistre des commandes. Je passe mon temps devant un micro ou des paquets dans les bras. La nature m'a faite forte, solide. Le boss l'a remarqué. J'ai rapidement coupé court à d'éventuels élans. Il respecte à présent ma force de travail.

Ali m'a emmené dans un restaurant libanais du 15e. Ai-je préféré le repas ou sa conversation..? En tout cas, je n'ai plus faim.

Si j'avais Nathan sous la main, je le chevaucherais sans frein. Bien. Il est temps de finir les livres de la bibliothèque.

Dîner avec Lina et les enfants. Comme moi, la petite Lucie apprécie de regarder la pluie tomber, de respirer à plein nez l'asphalte et la terre mouillée.

Nathan a téléphoné, m'a demandé de m'allonger puis de me faire plaisir. Sa bouche manquait terriblement à la mienne mais j'ai joui longuement. Je pourrais jouir indéfiniment en pensant à lui.

Un jour mon corps sera vieux. Je sens la vieillesse et la mort depuis toujours. J'aime les vieux et la vie. J'aime l'amour, le sexe, le sang qui coule chaque mois de mon ventre, les rides de ma mère, les cimetières. En sursis, chaque matin je remercie.